Assemblée Générale des OPM
Rome, le 28 mai 2018
Cardinal Fernando Filoni
Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples
Président du Comité Suprême des Œuvres Pontificales Missionnaires
Je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée Générale des Oeuvres Pontificales Missionnaires de cette Année 2018. Un salut particulier à Mgr Dal Toso, nouveau à cette Assemblée, nommé Président des OPM au mois de novembre dernier. Je salue de manière toute spéciale les nouveaux Secrétaires Génénaux Sr Roberta Tremarelli de l’Oeuvre Pontificale de la Saint Enfance, et le P. Taddeus Nowak, Secrétaire ad interim de l’Oeuvre Pontificale de la Propagation de la Foi. Un merci à eux pour avoir accueilli l’invitation- en cette année où nous rendons grâce pour les 175 ans de fondation de l’Œuvre Pontificale de la Saint Enfance- de faire partie de cette grande famille des Œuvres Pontificales répandues à travers le monde entier. Je désire en outre remercier le Secrétaire Général de l’Œuvre Pontificale de Saint Pierre Apôtre, P. Fernando Domingues, qui termine son mandat. Merci pour son service fécond auprès des Œuvres Pontificales Missionnaires, et pour son service précédent comme Recteur de notre Collège Urbain.
L’indiction du Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019 de la part du Saint Père Pape François me pousse à vouloir dédier ma réflexion sur les Œuvres Pontificales Missionnaires autour de cette providentielle opportunité. Selon ce que m’écrivait le Saint Père dans sa lettre du 22 octobre 2017, son désir est que l’Eglise entière vive le centenaire de la Lettre Apostolique Maximum Illud de son Prédécesseur Benoit XV, comme un moment d’authentique réforme missionnaire des croyants et de l’Eglise elle-même. Le Pape revient sur ce qui lui tient le plus à cœur depuis le début de son pontificat : réformer notre vie de chrétiens et réformer les structures afin que la mission de Jésus soit au cœur de la mission de l’Eglise. Dans ma lettre aux Evêques du monde entier, à propos de l’Octobre 2019, en date du 3 décembre 2017, je faisais l’annotation suivante : « La missio ad gentes, indiquée dans Evangelii Gaudium comme paradigme de l’action pastorale ordinaire de toute l’Eglise (EG 15), représente ce que Pape François nous demande de placer au centre de la commémoration des 100 ans de la Lettre Apostolique Maximum Illud, de son Prédécesseur le Pape Benoit XV (30 novembre 1919). Il s’agit de placer « la mission de Jésus au cœur de l’Eglise elle-même, en la transformant en critère pour mesurer l’efficacité des structures, le résultat du travail, la fécondité de ses ministres et la joie qu’ils sont capables de susciter. Parce que sans joie non n’attire personne[1] ». L’Octobre 2019 devrait aider tout le Peuple de Dieu à renouveler la conscience de la responsabilité baptismale concernant la mission de l’Eglise pour l’évangélisation du monde entier.
Nous pouvons donc répéter que cette initiative ecclésiale de l’octobre 2019 trouve sa finalité dans le désir de prier, d’être éduqué par l’exemple de tant de témoins saints et martyrs de la mission, de réfléchir et de vivre la charité fraternelle afin que la missio ad gentes devienne paradigme de toute l’action de l’Eglise. La gloire de Dieu et le salut de l’humanité représentent pour nous toutes les vraies raisons d’être de l’Eglise dans sa nature missionnaire intrinsèque (cf. AG 2,7) : l’Eglise provient de la mission du Fils et du Saint Esprit pour retourner au Père, dans lequel toute mission trouve son début et son accomplissement. La mission n’est pas un simple instrument pour atteindre un objectif, mais c’est la forme essentielle dont est constitué et vit le chrétien et l’Eglise. Le mouvement trinitaire de la mission, divin et humain en même temps, exprime la nature réelle du vivre et de l’agir de l’Eglise, nature très bien communiquée par le thème qui nous est offert par le Pape pour le Mois Missionnaire Extraordinaire : « Baptisés et envoyés : l’Eglise du Christ en mission dans le monde ».
Requalifier de manière évangélique la mission de l’Eglise dans le monde est ce que disait Benoit XV dans Maximum Illud. La même invitation pressante nous est répétée par le Pape François : requalifier avec l’Evangile et réformer avec la mission sont les deux aspects qui expriment une demande explicite d’une conversion renouvelée de l’Eglise au Christ. Pour cela je me permets de faire deux considérations qui nous regardent directement : la sainteté comme forme de notre vie chrétienne et de notre service ecclésial missionnaire personnel dans les Œuvres Pontificales Missionnaires, d’un côté, et la réforme pour la sainteté ecclésiale de nos structures en tant qu’Œuvres Pontificales Missionnaires.
Sainteté personnelle du disciple missionnaire
« Que celui qui prêche Dieu soit un homme de Dieu ». Je fais miennes ces lumineuses paroles de Benoit XV dans Maximum Illud et je les adresse à nous tous. « Dans la mesure où il se sanctifie, chaque chrétien devient plus fécond pour le monde » nous rappelle le Pape François dans sa dernière Exhortation Apostolique Gaudete et Exultate (GE 33). Chers Directeurs, j’ai personnellement tant à vous remercier pour le service que vous rendez au niveau des directions nationales des Œuvres Pontificales Missionnaires en vue de la missionariété de vos Eglises locales. Merci de tout cœur pour votre temps, pour vos énergies, pour votre créativité et pour votre communion ecclésiale avec le Pape au service duquel vous placez votre travail soit de prière, ou de charité concrète et d’offrande spirituelle à travers la médiation des Secrétariats Internationaux des Œuvres respectives. Ce que vous faites stimule la missionariété de vos Eglises toujours en communion avec le Successeur de Pierre qui, grâce aussi à vous, peut exercer sa pastorale de sollicitude envers toutes les Eglises en offrant des aides spirituelles et matérielles à tous, surtout à ceux qui ont le plus besoin de pain et d’Evangile.
Chers Directeurs et Directrices, permettez-moi de rappeler clairement que tout ce que nous sommes et ce que nous faisons est fruit de notre rencontre personnelle avec Jésus-Christ vivant dans sa Sainte Eglise. Le missionnaire c’est l’homme de la rencontre avec le Christ vivant. La missionnaire c’est le disciple de la rencontre avec le Christ ressuscité. La forme la plus haute de la mission est toujours donc l’annonce chargé d’expérience de cette rencontre qui transforme la vie, l’esprit, le cœur, les relations, les amitiés et les conflits. Le missionnaire est donc le témoin de cette événement qui laisse voir Dieu à l’œuvre dans sa vie, en faisant mémoire de cette rencontre, en rendant celui qu’il rencontre participant de sa joie immense : nous avons rencontré le Seigneur (Cf. Jn 1,40-42), le Sauveur du monde (Cf. Lc 2,8-13). Tout à fait comme Marie Madeleine (Cf. Jn 20,11-18) et comme les disciples à Emmaüs (Cf. Lc 24,13-35), nous sommes témoins non seulement des choses qui sont advenues mais du comment et pourquoi elles sont advenues. Comme toute la vie de Jésus est signe révélateur de son mystère, qu’ainsi notre vie chrétienne révèle aussi, dans la mission qui nous est confiée, sa présence efficace dans l’histoire (Cf. GE 20).
J’espère qu’il ne semble pas exagéré de dire que, dans notre service mission-naire spécifique, une forme objective de sainteté consiste en la transparence de l’administration des directions nationales qui vous sont confiées, des collectes et des transferts des fonds collectés pour la mission de l’Eglise. Que la transparence administrative des Secrétariats Internationaux, des Directions Nationales et Diocésaines devienne à son tour un stimulant exigent et un défi pour les Eglises particulières à être honnêtes et transparentes dans la collecte et le versement en intégralité de la contribution que les fidèles et les pasteurs désirent offrir au Saint Père pour la tâche de l’Evangélisation du monde entier. Il s’agit d’un effort de conversion qui nous aide à grandir dans la communion ecclésiale, dans la confiance en nos institutions et dans la justice économique entre les Eglises.
La réforme des Œuvres Pontificales Missionnaires
En vue du Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019 il nous a été demandé de regarder avec courage le besoin urgent de réformer les structures des Œuvres Pontificales Missionnaires que le Pape François demande à plusieurs reprises, lorsqu’il rencontre chaque année les Directeurs Nationaux réunis en Assemblée Générale. Nous devons regarder dans les structures centrales, nationales et diocésaines des OPM pour en mesurer, à lumière de la mission, l’efficacité dans la sanctification et dans le service. Raviver la passion et le zèle pour la mission de Jésus-Christ représente l’efficacité apostolique de nos structures impliquées dans une plus ample conversion pastorale et missionnaire de toute la composante ecclésiale (cfr. EG 27). Que l’audace et le courage apostolique qui sont constitutifs de la mission ne nous manquent pas, dit le Pape François dans Guaudete et Exultate (GE 131).
Le 30 mai 2016, à l’occasion du centenaire de la fondation de l’Union Pontificale Missionnaire je m’adressai à vous en ces termes : « Portés par l’intuition charismatique et par l’intercession fraternelle du bienheureux Paolo Manna et de Saint Guy Marie Confort, nous ne devons pas avoir crainte de l’urgente nécessité de réformer à la fois l’Œuvre Pontificale Missionnaire et, avec elle, donner une nouvelle impulsion aux autres Œuvres. (…) Renouveler dans ce sens la nature de l’UMP aiderait aussi la Propagation de la Foi, Saint Pierre Apôtre et la Sainte Enfance, à collaborer ensemble avec leur esprit, en ouvrant leur précieux service de soutien économique aux jeunes Eglises, à leur dimension formative, spirituelle e missionnaire d’Œuvres Pontificales.»[2]
Je souhaite qu’en préparant le Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019 les structures des Œuvres Pontificales Missionnaires puissent aussi refléter l’invitation à se requalifier pour requalifier évangéliquement la mission de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. J’indiquerais dans la formation à la mission avec le paradigme spécifique de la missio ad gentes le cœur autour duquel il faut penser une restructuration substantielle des Œuvres elles-mêmes. Que l’animation missionnaire représente l’effort de renouvellement de toutes les Œuvres dans leur relation de réciprocité diversifiée avec l’Union Missionnaire Pontificale, qui est déléguée à la formation par son charisme originel de fondation[3]. Former à et pour la mission de Jésus dans l’Eglise signifie servir la communication de l’Evangile comme annonce et témoignage, la transmission et la propagation de la foi comme présence contagieuse et joyeuse dans les différentes circonstances de la vie. Avoir une conscience et une sensibilité baptismale de la dimension catholique de la foi chrétienne, de sa destination universelle à tous, jusqu’aux extrémités de la terre. La mission représente la dynamique intérieure de la foi, dont le mouvement est l’amour qui pousse et attire vers la plénitude de la vie en Dieu dans l’espérance de l’éternité. Avoir un engagement intégral d’éducation dans la foi chrétienne là où la dimension intellectuelle et didactique est mise au service et bien intégrée au besoin d’une conversion de la vie et à l’engagement de témoigner pour la sanctification qui transforme le monde. « Le christianisme est principalement fait pour être pratiqué, et s’il est objet de réflexion, ceci n’est valable que quand il nous aide à incarner l’Évangile dans la vie quotidienne » (GE 109).
Renouvelons notre engagement à cheminer vers l’unité des quatre Œuvres qui, nées individuellement, sont inspirées du même désir charismatique de servir la mission de l’Eglise et la responsabilité baptismale de tout le Peuple de Dieu là où prière, offrande spirituelle, aides matérielles et réflexion théologique doivent s’articuler à l’intérieur d’un processus organique de formation permanente missionnaire. Le Pape Pie XI reconnut l’universalité de leurs efforts. Il voulut bénéficier de leur service pour sa responsabilité missionnaire en tant que Successeur de Pierre, leur donnant leur unité grâce à son ministère en tant que Pasteur Universel de l’Eglise en confiant leur gestion au Cardinal Préfet de la Congrégation de la Propagation de la Foi. L’unité est exprimée pratiquement aujourd’hui par la présence d’un Président unique, le même pour les quatre Œuvres. Le service d’un unique Directeur National et Diocésain pour les quatre Œuvres, l’unique administration qui sert les quatre Secrétaires Internationaux qui partagent le même Portail OPM et l’unique agence d’information Fides, le travail pour une même forme de visibilité graphique (le logo commun) sont les signes d’un cheminement unitaire déjà en cours. A cela contribue aussi le travail d’ensemble qui est en train d’être fait depuis le 31 mars 2017, date d’approbation du Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019 par le Saint Père. Il ne s’agit pas d’un processus d’unification, mais d’une synergie dans le travail et d’une communion dans le service, là où l’on pourrait nous demander de repenser l’analyse et la concession des subsides, l’évaluation et l’approbation de projets, autour de la dimension de formation permanente des Eglises locales comme animation missionnaire féconde et pertinente de tous leurs membres baptisés.
Une réciproque et toujours plus grande disponibilité d’écoute et de travail de communion entre les Secrétaires Internationaux, les Directeurs Nationaux et Diocésains, aidera ce processus d’unité ecclésiale pour le bien de la mission. Un lien plus étroit entre les services internationaux, nationaux et diocésains autour de la nécessité de la formation permanente à la mission pourra soutenir une démarche de requalification de la figure et du travail des Directeurs des OPM et de leur insertion dans la pastorale ordinaire de leurs Eglises locales. Dépasser la réduction monétariste de leur précieux service à travers l’engagement à former sur le plan missionnaire suivant les exigences pastorales des différentes Eglises locales, peut aider à une meilleure synergie des divers niveaux opérationnels de nos structures OPM, requalifiant de manière évangélique le sens ecclésial de la collecte pour l’évangélisation et le soutien des pauvres.
La formation missionnaire ne peut pas être considérée comme périphérique dans le quotidien de la pastorale des diocèses et des paroisses, des associations et des mouvements ecclésiaux. Il s’agit d’une dimension essentielle. Les Directeurs Nationaux et Diocésains devraient être l’instrument ecclésial dont disposent les Evêques pour accomplir la responsabilité pastorale de rendre la mission vraie paradigme de la vie et de l’action des Eglises particulières qui leur sont confiées. Dans leur rapport de travail missionnaire avec les Secrétariats Internationaux ils ouvrent la dimension missionnaire diocésaine locale à la dimension universelle de l’Eglise Catholique. Dans la missio ad gentes le Pape sert l’unité de la mission et garantit que tous, Eglises et chrétiens, puissent recevoir l’Evangile, célébrer les sacrements et partager la charité chrétienne pour une vie humainement digne. Grâce au service des Directeurs Nationaux et Diocésains, le Pape, interagit avec les Eglises locales, les fidèles et les pasteurs, afin que tous se sentent coresponsables, en vertu de leur baptême, de l’unique mission du Christ confiée à son Eglise. Les Evêques ne peuvent pas s’exempter de ce devoir ministériel qui leur est propre autant en ce qui concerne la formation à la mission, l’animation et la coopération missionnaire qu’en ce qui concerne aussi la communion des biens pour les besoins matériels et spirituels de tous. Le Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019 représente pour les Evêques et pour vous Directeurs Nationaux une opportunité unique pour récupérer ce lien particulier entre l’Eglise Universel et les Eglises locales dans l’unique service à la mission, concrètement à la missio ad gentes. Récupérer le rôle essentiel de votre service ecclésial demeure indispensable, c’est à discerner et réformer à l’intérieur de cette initiative missionnaire voulue par la Pape François.
Je conclue en renouvelant mes remerciements pour le service que vous êtes en train d’accomplir au niveau de vos Directions Nationales et des Secrétariats Internationaux. Je vous souhaite tout le meilleur pour le travail de cette présente Assemblée Générale, pour la réflexion et l’engagement dans la préparation du Mois Missionnaire Extraordinaire d’octobre 2019. Je vous confie à la Vierge Marie, Reine des Apôtres, à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, à Saint François Xavier et au Bienheureux Paolo Manna, avec le vœu de vous accompagner avec ma prière.
Merci pour l’écoute et bon travail.
[1] PAPE FRANÇOIS, Rencontre avec le comité Directeur du CELAM, Nonciature Apostolique à Bogotà, jeudi 7 septembre 2017
[2] CARDINAL F. FILONI, Discours aux Directeurs Nationaux participants à l’Assemblée Générale 2016, Rome, lundi 30 mai 2016.
[3] Cfr. CARDINAL F. FILONI, Discours aux Directeurs Nationaux participants à l’Assemblée Générale 2017, Rome, lundi 29 mai 2017.